Ibant Obscuri, une exposition évolutive pour dessiner le monde d'après
Dans le cadre de la saison automne 2020, “Rêver en actes”, la programmation de la Condition Publique met à l’honneur l’expérimentation au coeur de l’action créative. Après la sidération, conséquence de cette crise sanitaire, nous nous sommes retrouvés face au vide. Désormais, place à l’action. L’exposition Ibant Obscuri du Groupe A - Coopérative culturelle se retrouve alors au centre de cette dynamique, proposant une vision du monde actuel et de ses crises, à travers deux temps d’exposition, liés par une résidence artistique au sein de la Condition Publique.
Ainsi, Clémentine Carsberg, Rodolphe Collange, Chloé Schuiten, Grégory Grincourt, François Lewyllie & Pascal Marquilly, six artistes invités par le Groupe A - Coopérative culturelle ont été accueillis en résidence, du 28 septembre au 18 octobre 2020 au sein de la Condition Publique, lieu d'accueil de l'exposition.
La restitution de ce temps de résidence a eu lieu le 22 octobre dernier à l'occasion de la semaine Culture & Tiers Lieux. Retour sur ces deux temps d’expositions et d’expérimentations.
Propos général de l'exposition
L'exposition Ibant Obscuri co-produite par le GACC et la Condition Publique invite les artistes à dresser le portrait de leurs visions intimes de la crise, des crises qui traversent nos sociétés et qui bouleversent sans cesse les équilibres sociaux, économiques, culturels autant qu’écologiques. C'est au travers de la thématique de l'écroulement que Pascal Marquilly, commissaire de l'exposition, a choisi d'aborder ces événements. Le monde s'effondre, disparaît mais nous sommes incapables de le percevoir car pour la majorité d'entre nous, ces crises restent encore très éloignées de notre quotidien occidentalisé. Et pourtant il y a urgence à réveiller nos consciences. Au travers de leurs œuvres, les artistes proposent une vision de l’agitation du monde et d’y mesurer ce en quoi l’acte créatif peut être en mesure de nous interpeller.
Temps 1 - Panorama d'un monde en 2020
Le premier temps de l’exposition, visible du 18.09 au 20.10, abordait aussi bien des feux de forêt ravageurs avec Feux de Clément Vulliez, que des paysages de désolation (L'année de la Comète) ou d'accumulation d’objets manufacturés avec Grégory Grincourt (Dark Side of the Moon). L'installation Château Carbonne de Jérôme Abel nous donnait une vision de l’exploitation des ressources rares mais essentielles à la fabrication d’objets de notre quotidien, des objets technologiques que l’on désigne comme étant primordiaux, au centre de nos activités humaines, nous rappelant ainsi que nous devrions nous intéresser à ce qui disparaît de notre environnement.
Ce premier temps évoquait également un ensemble de crises sociales (globalisation, inégalités, discrimination, renforcement des outils coercitifs etc.) par le biais des oeuvres de Grégory Grincourt (Bang Bang), Jean-Marc Delannoy (La Machine à laver - cycle 1) et Rodolphe Collange (Terre Rare Partie I) . Et, en parallèle, proposait un regard d’artistes directement touchés par la COVID comme Baptiste César et comment ces derniers, s'étant retrouvés face au vide, ont pu vivre et supporter cette période de confinement (Les rhums confinés, Au Corps on a un Virus).
"Sans tomber aucunement ni dans la dénonciation à tout crin, ni dans le défaitisme, l’exposition proposa en contradiction avec la dureté des sujets abordés, une vision poétique du monde, comme si celui-ci pouvait malgré tout s’extraire de sa réalité drue (...)". Pascal Marquilly (novembre 2020)
Résidence artistique, le temps du questionnement
Le but de cette exposition évolutive est de réinterroger l'état des lieux du monde actuel précédemment dépeint par les artistes du temps 1, au moyen de démarches et de techniques variées (sculptures, peintures, dessins, installations sonore, numérique et lumineuse, photographies …). Certaines oeuvres présentes dans la première phase ont été retirées, d'autres sont restées en place, tandis que près de 11 nouvelles oeuvres ont intégré l’exposition.
La majorité de ces nouvelles oeuvres ont été créées lors du temps de la résidence artistique. A cette occasion, les espaces de création et de construction de la Condition Publique ont été mis à disposition des artistes. Halle C, Fablab, Maison des artistes ou encore la Bulle, lieux ouverts au public et se sont cette fois-ci transformés en de véritables terrains de partage et d'échange, permettant aux artistes une grande liberté de création et d'expérimentation.
Le parti pris de ce temps de résidence est de créer des oeuvres avec des matériaux et outils issus uniquement de ces espaces et d'en importer le moins possible. Quelques exceptions ont été faites. Dans ces cas précis, ces matériaux et outils ont été achetés ou récupérés dans un périmètre géographique restreint, ici la ville de Roubaix. Cette démarche fait partie intégrante du propos général de l'exposition qui traite en partie des questions de surproduction, surconsommation ou encore du gaspillage des ressources naturelles.
Ibant Obscuri version 2, esquisser un monde des possibles
“Il faut porter encore en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante.“ Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra.
Au travers l'installation d'un cabinet de curiosité, cette nouvelle phase d'exposition aborde entre autre les rapports qu'entretient l'humanité autour des mythes fondateurs, des croyances passées et futures. Ce cabinet nous rappelle aux origines fondatrices de l'humanité, à ces liens qui furent, à bien des égards constitutifs de ce qui relie les Hommes (héritage, connaissances, cultures, langages …).
"L’exposition propose un ensemble de liens, plus ou moins ténus, délicats pour nombres d’entres eux, avec humour généralement, l’air de rien souvent, qui tissent un canevas sur lequel chacun peut être en mesure de projeter sa propre abnégation et d’apercevoir entre les lignes quelques raies de lumière, ou d’ombre." Pascal Marquilly (novembre 2020).
Ainsi, vous l'aurez compris, de son temps de résidence coopératif jusqu'à la restitution des œuvres collectives, cette deuxième phase met en lumière cette idée du commun, et, plus directement, interroge la notion de vivre ensemble, en dehors de toute considération politique.
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Ibant obscuri sola sub nocte per umbram... Ils allaient obscurs, dans la nuit solitaire à travers l’ombre... Virgile, Enéide, 6, 268 Avec François Andes, Baptiste César, Clémentine Carsberg, [...]