Exit Frame, Provocateurs d'expériences collectives
Entretien
Fondé en 2012, le collectif ghanéen Exit Frame réunit cinq artistes contemporains. Protéiforme, ludique, ouverte sur le monde, leur pratique mêle cultures populaires et académiques, revendique un héritage panafricain tout en se jouant de ses codes. A Roubaix, cette bande d’amis prend les commandes de la Saison Africa2020, annonçant une exposition (Matières sensibles) et moultes surprises ! Deux de ses membres, Bernard Akoi-Jackson et Kwasi Ohene-Ayeh, respectivement artiste et commissaire d’exposition, nous dévoilent les contours du programme.
« Nous sommes connectés aux gens, ils sont notre écosystème »
Comment travaillez-vous ?
Kwasi Ohene-Ayeh : D’une manière très ouverte, au croisement de différentes disciplines et moyens d’expression. Nous ne voulons pas seulement créer des œuvres, mais provoquer des situations, des expériences collectives.
Quels sont vos sujets favoris ?
Bernard Akoi-Jackson : Comme le suggère notre nom, il s’agit de sortir du cadre. Notre art se situe à rebours des formes traditionnelles. Nous ne souhaitons pas le réduire à des pratiques spécifiques, plutôt ouvrir notre jeu tout en partageant notre démarche avec le plus grand nombre.
Peut-on qualifier votre art d’africain ?
Kwasi : Pour nous, l’art est un langage universel qui doit être accessible à tous. De tous temps, les gens ont tenté de le circonscrire : « cette œuvre est européenne, celle-ci est africaine…». Certes, nous affichons des spécificités culturelles, mais refusons cette définition simpliste.
Comment cette collaboration avec la Condition Publique est-elle née ?
Bernard : Dans le cadre de la Saison Africa2020, à l’invitation de N'Goné Fall, la commissaire. Elle souhaitait que notre collectif s’associe à une institution française ayant un fonctionnement semblable au nôtre. Nous abordons effectivement la création de la même façon, la Condition Publique fédérant une communauté à travers divers projets.
Comment jugez-vous ce lieu ?
Bernard : Je suis déjà venu ici. C’est un endroit inspirant, ces espaces renferment d'innombrables possibilités et l'équipe est très ouverte d’esprit.
Kwasi : Moi, c’est la première fois que je viens et je voulais être attentif, écouter, observer. Mes rencontres sont prometteuses. J’ai hâte de revenir pour m’immiscer davantage dans la culture roubaisienne.
Que pourra-t-on découvrir lors de cette saison Africa ?
Bernard : Nous sommes les commissaires de l’exposition Matières sensibles (Of materials and things), impliquant 15 artistes liés à l’Afrique - tous n’en sont pas issus, certains sont européens. Cela peut paraître court pour représenter un continent, mais ils affichent une telle diversité de pratiques ! Nous préparons aussi le Festival Pile au RDV. Pour cela, on organise des résidences et des collaborations avec la population de Roubaix ou des alentours.
Kwasi : Nous utilisons les différents outils de la Condition Publique, comme le Labo 148, pour façonner cette programmation. Nous sommes connectés aux gens, ils sont notre écosystème. Les artistes en résidence créent des œuvres in situ et des fresques de street art dans le quartier du Pile.
« On invite à questionner les limites de l'art »
Quel est le propos de l’exposition Matières sensibles ?
Kwasi : Le but principal de la Saison Africa2020 est d’offrir une nouvelle perception de l’Afrique aux Français et aux Européens. Cette exposition brise les stéréotypes liés à notre art en multipliant les canaux : vidéo, peinture, sculpture… Mais peu importe le medium, on privilégie la sensibilité des artistes, cette conscience d’être dans un monde globalisé tiraillé par des enjeux souvent contradictoires : identité, économique, de genre...
Y verra-t-on aussi des œuvres en lien avec le Covid ?
Kwasi : Certainement, depuis mars 2020 on ne peut plus monter une exposition de la même façon. Nous devons tenir compte des risques potentiels pour les visiteurs, mais aussi imaginer de nouvelles manières de créer, n'imposant pas de présence physique.
Comment illustrez-vous le sujet ? A travers quelles œuvres ?
Kwasi : Africa 2020 envisage des thèmes contemporains de manière non conformiste : morale, économie, architecture. Akwasi Bediako Afrane flirte ainsi avec le jeu vidéo, la réalité augmentée. Tandis que Tracy Naa Koshie Thompson focalise sur les procédés biologiques ou chimiques, comme dans un laboratoire. On invite à questionner les limites de l'art.
Comment avez-vous conçu la scénographie ?
Kwasi : C’était une grosse partie du travail. Nous nous sommes même disputés à ce sujet ! En arrivant à la Condition Publique, nous avions une idée claire de la scéno. En définitive, nous avons réparti équitablement les œuvres des artistes au sein d’un parcours immersif. Chaque projet dialogue avec les autres.
Des concerts ou des ateliers sont-ils aussi prévus ?
Kwasi : Oui, au fil des mois, nous accompagnons des événements participatifs de tous ordres : danse, théâtre, musique, poésie… Parfois de manière très spontanée. Avec le public de Roubaix nous envisagerons une autre manière de créer du divertissement en réfléchissant à des sujets très actuels.
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