Zoer tisse sa trame de fond
Entretien
Zoer, peintre figuratif et diplômé de Strate College, oriente ses recherches plastiques à travers l'étude de l'objet : comprendre leur philosophie, leur usage et leur détermination le conduisent à capter en peinture leur vie puis leur après-vie. Dans le cadre de Next Generation(s) il a signé une déclinaison de son projet Solora sur le mur du Mercado Negro, ancien bâtiment industriel aujourd'hui réhabilité en restaurant. Retour avec lui sur la façon dont il a mené ce projet.
« Dans ma pratique, je m’intéresse particulièrement aux lieux en transition et Roubaix avait quelque chose d’entre deux états. Le passage de l’ère industrielle à aujourd’hui s’est fait dans la violence et c’est là que je pense avoir quelque chose à faire. » Zoer
Aujourd’hui au Mexique pour un nouveau projet, vous avez accepté cette année de penser une oeuvre qui a intégrée le parcours d’art urbain de la Condition Publique. Qu’est-ce qui vous a intéressé à Roubaix ?
Dans ma pratique, je m’intéresse particulièrement aux lieux en transition et Roubaix avait quelque chose d’entre deux états. Le passage de l’ère industrielle à aujourd’hui s’est fait dans la violence et c’est là que je pense avoir quelque chose à faire. J’ai choisi d’intervenir sur le mur d’une usine, le bâtiment d’une filature. Ce qui m’a marqué c’est les proportions particulières et le sens physique de ce lieu. On peut y mesurer différentes échelles de vies, des strates des épaisseurs comme le bâtiment d’à côté a été démoli. On peut y voir les couches d’isolation, le passage de cheminées…
Comment avez vous justement pensé à votre installation par rapport à ce contexte ?
Le long de ce bâtiment, le mur se divisait en deux zones distinctes clôturées et plutôt que de choisir l’une ou l’autre ou aplatir cette différence, j’ai voulu utiliser la distance. J’ai donc pensé deux images l’une sur un carré et l’autre sur un rectangle qui entrent en dialogue. Il y a une proposition abstraite qui agence une séquence de couleurs et une figurative. Dans tous les cas, je travaille in situ et le sens de mes installations se fabrique au fur et à mesure de la création. Mon intention première était de parler de photographie et de vitesse mais en discutant et en rencontrant ici, à la Condition Publique des artistes qui font du tissage mon regard a évolué. En voyant les trames de leurs travaux, leurs outils, je n’ai pu m’empêcher de comparer avec la surface des bâtiments et les trames des briques. J’ai eu envie de composer un motif textile, comme un grand tapis, qui reposerait sur les murs.
© Julien Pitinome - Collectif Oeil
Cette trame rappelle aussi des pixels où un rapport digital aux images …
Par rapport à l’image, je pense qu’aujourd’hui on a tous un rapport un peu digital aux choses. Mais le relief au contraire de ce mur a été décisif pour moi, parce qu’il me rappelait quelque chose du textile et imposait des techniques. Il a fallu trouver à cet endroit là quelque chose qui s’adapte vraiment. On a ainsi laissé en réserve des bandes horizontales pour faciliter l’application de la peinture sur le mur : une vraie résolution graphique.
« Il y a toujours une relation entre mes projets. Je parle d’évolution dans la continuité; d’une casse automobile à des objets abandonnées de toutes natures, je me suis intéressé d’abord à la désuétude de différents produits de la technologie avant d’arriver par contraste peut-être à m’intéresser aux manières dont la nature faisait résurgence. »
Dans la partie figurative du projet, on retrouve une voiture qui fait écho à des travaux précédents dans une casse automobile. Quels liens faites-vous entre vos différents projets ?
Il y a toujours une relation entre mes projets. Je parle d’évolution dans la continuité; d’une casse automobile à des objets abandonnées de toutes natures, je me suis intéressé d’abord à la désuétude de différents produits de la technologie avant d’arriver par contraste peut-être à m’intéresser aux manières dont la nature faisait résurgence. Sur ce mur lisse j’ai représenté un véhicule abandonné mais dans un espace naturel. La voiture qui se trouve devant vient faire le lien mais elle n’est pas de mon fait, elle était le support d’une autre œuvre de JonOne que j’ai choisi d’intégrer comme une pièce rapportée. Je l’ai noyé dans la couleur parce que je trouvais que le monochrome réduisait son échelle et la transformait presque en jouet. Je l’ai ensuite individualisé par un code, ce code renvoie à la référence hexadécimale de la couleur du monochrome. C’était pour moi une façon de parler de la couleur et de son infinité. De loin cette composition avec le réel joue des frontières entre l’existant et le non existant. J’ai travaillé avec le paysage urbain en travaillant une forme de trompe l’œil, en interagissant avec les objets du lieu, les herbes folles du terrain, le lierre envahissant sur le côté du mur. Je me suis efforcé de montrer l’ingéniosité du vivant auprès duquel les progrès technologiques sont peu de choses.
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