Arthur Chiron
La Jonction Impossible
2023
En résidence à La Condition Publique entre 2021 et 2023, l’artiste Arthur Chiron a découvert, au grès de ses recherches, le tracé originel du Canal de la Deûle, finalement abandonné au début du 19ème siècle. Le projet La Jonction impossible est le résultat de sa résidence de création.
La jonction impossible*
Avant d’être celui que l’on connaît aujourd’hui, le tracé initial du canal de Roubaix envisageait un autre chemin. Ce que l’on appelle communément « le bras mort de Croix » en est un vestige. Celui-ci devait à l’origine se prolonger vers l’Est pour rejoindre ce qui deviendrait plus tard le Parc Barbieux, suivre les axes des grands boulevards et finalement rejoindre l’actuel quai du Sartel. Les problèmes techniques et les accidents de chantier dus à la nature des sols auront raison de ce parcours. On décidera de détourner le tracé par le Nord, et Tourcoing en profitera pour avoir sa desserte.
La jonction impossible consiste à matérialiser cette mémoire selon un parcours jonché de sculptures, s'inspirant des bornes kilométriques d'époque, le long du tracé originel du canal. Historiquement, ces bornes — sous l’appellation de PK (Points Kilométriques) — avaient pour fonction d'indiquer aux usagers du canal la distance les séparant d’un point d’origine donné (le départ du canal de la Deûle dans notre cas).
* La jonction impossible est le titre du second chapitre du livre Le canal de Roubaix. Philippe Waret, Sutton éditions, 2009.
Paris - Roubaix
2021
Projet présenté à La Condition Publique lors de la Nuit des Arts de la saison Courbes (automne 2021) à la suite d'une résidence à La Condition Publique la même année.
Paris-Roubaix est sans doute la course cycliste la plus célèbre après le Tour de
France, du moins sous nos latitudes. Le sujet n’est pas ici de traiter d’un événement
déjà largement documenté par bien des spécialistes, mais plutôt d’en proposer une
alternative, loin des pavés, des chronomètres et des commentateurs sportifs.
Paris est l’une des villes les plus touristiques du monde. Pas étonnant que
son rayonnement international lui ait conféré de nombreux homonymes à travers
le globe. On en dénombre une trentaine répartis entre le Danemark, le Canada, le
Gabon, le Panama, la Russie, la Suède, l’Ukraine et dix-neuf rien qu’aux États-Unis. L’un
d’entre-eux se démarque — non pas seulement parce qu’il est le plus grand — mais
surtout parce qu’il est au centre du film de Wim Wenders qui remportera la palme d’or
au festival de Cannes en 1984 : Paris, Texas.
Roubaix, qui ne bénéficie pas de cette même aura, (bien que servant aussi de décor
à de nombreux films) recense néanmoins un homonyme aux États‑Unis. La ville
se forme à la fin du XIXe siècle autour de Pierre Wibaux (1858‑1913), fils d’un industriel
roubaisien qui préférera tenter sa chance en Amérique plutôt que de reprendre les
affaires familiales en France. Il est d’abord cow-boy dans le Montana avant de
faire fortune en créant sa propre banque. Sa richesse lui permettra plus tard
d’acquérir une mine d’extraction d’or dans le Dakota du Sud. La ville construite
autour de cette exploitation s’appellera Roubaix, comme celle qui l’a lui‑même vu
naître.
À partir de ces deux homonymes, la possibilité d’un autre Paris-Roubaix commence
à se dessiner, dans lequel il n’est plus tant question de performances sportives que
de voyage. Ici, pas d’échappée, de peloton ou de lanterne rouge. D’un point de vue
symbolique et logistique, le vélo semble toujours être la monture adaptée. Cependant,
il ne s’agit plus ici d’une course, mais d’un roadtrip d’environ 1700 kilomètres à travers
le Texas, l’Oklahoma, le Kansas, le Nebraska et le Dakota du Sud. Si le Paris-Roubaix
français doit son surnom d’« Enfer du Nord », notamment pour sa difficulté liée à ses
nombreux secteurs pavés, son nouvel homologue américain, qui dessine également
un itinéraire vers le nord, semble aussi mériter son qualificatif d’enfer pour des raisons
qui restent néanmoins encore à éprouver.