Prendre de la hauteur avec Lukasz Drygas
De la Condition Publique vers une autonomie vivante
Dans le cadre des Beaux Endroits, Lukasz Drygas expérimente, depuis septembre, une nouvelle façon d'investir les toits par une réflexion artistique en collaboration avec d'autres acteurs de la Condition Publique et du territoire roubaisien. Retour sur les temps de résidence qui ont marqué le projet.
Lukasz Drygas, artiste instigateur
Après avoir installé un camping-village en 2018 avec le collectif Yes We Camp, dont il est le directeur artistique, Lukasz Drygas revient une nouvelle fois sur les toits de la Condition Publique avec un nouveau projet participatif. Avec son projet "Autonomie Vivante", Lukasz Drygas souhaite sortir du schéma de l’artiste créateur pour tendre vers celui de l’artiste instigateur. Dans le cadre de ce projet à plusieurs mains, il repense la créativité pour qu’elle ne soit pas que simple production. Rassemblant étudiants, enseignants-chercheurs, artistes et usagers, ce nouveau Bel Endroit va se co-construire et se prolonger dans les échanges que les différentes présences humaines viennent tisser. Plutôt qu’un énième lieu d’exposition, le toit devient un lieu où se réinventent et se questionnent des pratiques artistiques, où s’initient et s’osent de nouvelles formes pédagogiques. .
La mezzanine de la Halle B prise d'assaut
A chaque étape de sa résidence, Lukasz Drygas créé des moments de restitutions et alimente un ouvel espace de documentation sur la mezzannine de la Halle B, rendant compte du geste créatif de chaque groupe de réflexion.
Messages sur les murs, invitation au gribouillage, brics à brac, la mezzanine devient un lieu d'échange, à l'opposé d'une galerie, où l'on vient y exposer des œuvres figées dans un processus réflexif et artistique. Herbes dansantes sur le toit, filmées et projetées en live sur un mur, film de Maxime Bertout montrant ses pieds arrosés et de ses orteils qui poussent, papier à partir d'orties cueillies sur les toits par Céline Gautier, création d’un système de torréfaction de pissenlit, mettant en pratique l’utilisation des “mauvaises herbes” par Isabelle Keitchetcha... Autant de projets nés suite aux rencontres et échanges avec les acteurs de la Communauté créative notamment dans le cadre du parcours d'accompagnement "entrepreneuriat culturel" de la Cape.
Mauvaises graines et mauvaises herbes : les jeunes en action
En septembre, les étudiants architectes de première année (Lille, Valenciennes et Clermont-Ferrand) ont été invités pour le premier temps de résidence. Après une exploration du territoire autour de la Condition Publique, les étudiants, vierges d'enseignements artistiques, ont réalisé des croquis à partir de photographies, permettant la réalisation d'une fresque sur la mezzanine. En mettant le bâtiment au centre du processus réflexif et créatif, les étudiants ont pu inverser le propos même de l'architecture, qui est de construire pour et autour de l'humain.
Pour le deuxième temps de résidence, Lukasz a été entouré des jeunes du Conseil Consultatif de la Jeunesse (CCJ) de Roubaix (Mourad Amalou, Hamza Benamara, Hakima Boukhachba, Rachid Chabane, Moustapha Fofana, Paula Pamela Gonzales Cherifi, Sofia Houba, Imen Lograda, Célia Rekibi) et a questionné la mauvaise graine.
Faisant le parallèle entre les végétaux rejetés et les personnes stigmatisées, les jeunes ont pu incarner la mauvaise herbe de leur choix, par des portraits dessinés par Mélanie Soufflet, en transformant les caractéristiques de cette plante en qualités humaines qui lui correspondent. Un travail visible sur la mezzanine et mis en valeur lors d'une performance sur les toits, orchestrée par la Compagnie XTNT, à l'occasion de la semaine Culture et tiers lieux.
Et pour la suite ?
Avec le confinement de novembre et les restrictions qui en résultent, le projet a dû s'adapter, à l’instar du Bel Endroit sur le Canal de Roubaix conduit par l'architecte-constructeur Feda Wardak. Ce projet hors-les-murs propose, depuis juillet, d’explorer les possibles du Canal par une recherche-action collective. La réflexion collective et la mise en commun des connaissances devaient aboutir à une installation sur le Canal. La rencontre dans l’espace public étant désormais impossible, c’est dans ce cadre que Feda Wardak et Lukasz Drygas échangent et réfléchissent à une possible mise en commun.
Toujours dans une démarche d’autonomie maintenant alliée à une réflexion autour de l’eau, la volonté des deux artistes est de penser un système de récupération d’eau sur les toits. L'eau usée récupérée poursuivant son chemin pour arriver jusqu'au égout, se déverse ensuite dans le Canal de Roubaix. C'est sur ce point que les deux projets se rencontrent et créent une coopération logique entre les deux acteurs. L’idée première est alors de créer une rigole qui récupère l’eau du toit et de faire passer cette eau dans une machine qui donne à voir son système, rendant visible un processus habituellement caché.
Les deux artistes se rencontreront une seconde fois la semaine du 7 au 13 décembre pour débuter, en Halle C, la construction de leur pièce commune.